Lorsque l’on explore les définitions du jeu, sa distinction d’avec la réalité semble être le trait le plus évident. Jouer c’est en effet entrer in-lusio. Cette illusion ne relève-t-elle pas du même consentement qui nous permet d’aborder une oeuvre de fiction ? Dis que c’est lu, c’est ludique.
On le sait, Rabelais aime à jouer avec son lecteur en truffant son texte d’anagrammes, de contrepets, de listes burlesques, de devinettes mais aussi de langues fictives. Que ce soit des charabias ou des baragoins, il se joue des codes linguistiques de son époque en créant des langages artificiels avec une inventivité verbale foisonnante. Ne nous y trompons pas, cette invention de codes fictifs, c’est bien du jeu. Mais un jeu qui révèle au-delà de l’irrévérence, une volonté toute humaniste de questionner les évidences de son temps.
On constate que les jeux à l’époque de Rabelais ne manquaient pas et que son géant fut assurément un grand joueur devant l’éternel. Tarau, trictrac, dames, quilles, colin Maillard, bilbocquet, ces jeux pratiqués à la Renaissance sont même arrivés jusqu’à nous. Cette belle pérennité ne fait-elle pas basculer nos imaginaires du jardin de la Devinière à la cour de récréation des collèges Jean Zay et St Joseph ? Car c’est bien à cela que nous jouons dans ce festival. À suggérer des liens, à interroger les époques, et ainsi, à mettre en route nos pensées.
Cette année, nous abordons un épisode sous forme de mascarade, mais qui pour autant accueillera des intervenants et des vignerons en chair et en os, qui, chacun à leur sauce, nous nourrirons de leurs savoirs, de leur créativité, de leurs vins et de leurs joyeux délires. En cette 6e édition et en si bonne compagnie, gageons que vous aurez encore beaucoup à gagner à suivre ce festival comme nous avons gagné à le construire !
Mathilde Boulo-Dutour, Présidente de l’association Chinons